
Bernie Sanders en croisade contre la déprime de la gauche américaine

A 83 ans, Bernie Sanders refuse de baisser les bras: le socialiste le plus célèbre des Etats-Unis a rassemblé des milliers de personnes samedi à Los Angeles, s'imposant comme un des rares opposants audibles face au retour de Donald Trump.
"Vous êtes environ 36.000, le plus grand rassemblement que nous ayons jamais eu", a lancé le sénateur du Vermont, en sous-entendant que la foule dépassait celle de ses meetings de 2016 et 2020, lorsqu'il briguait l'investiture démocrate à la présidentielle.
"Et votre présence ici aujourd'hui rend Donald Trump et Elon Musk très nerveux!", s'est-il félicité, sous les rugissements du public.
Depuis deux mois, l'élu indépendant, jamais encarté au Parti démocrate, draine les foules avec sa tournée "Combattre l'oligarchie".
Nebraska, Colorado, Arizona, Nevada: le ténor de la gauche progressiste attire le peuple anti-Trump, sonné par le manque de résistance politique au milliardaire républicain.
A Los Angeles, il a rempli le parc Gloria Molina, soutenu par le chanteur contestataire Neil Young, qui a fait scander le slogan "Reprenez l'Amérique!", sur un air de guitare électrique.
L'énergie de la foule a poussé la chanteuse féministe Maggie Rogers à surnommer l'événement "Berniecella", en référence au festival de musique Coachella, qui se déroule actuellement dans le désert californien.
De quoi réconforter un peu Alex Powell, venue en t-shirt camouflage.
"Nous avons besoin d'espoir", confie à l'AFP la jeune femme de 28 ans. "Je suis vraiment déçue par la réponse des démocrates, je veux plus d'action de leur part, plus d'indignation."
- "Affligeant" -
"Le nouveau mandat de Donald Trump est affligeant, c'est vraiment effrayant", poursuit cette enseignante, dont certains élèves sont "traumatisés" par l'expulsion de leurs parents immigrés hors des Etats-Unis.
Remise en cause du droit du sol, coupes massives dans l'Etat fédéral, menaces sur la recherche et l'assurance-santé des plus modestes... Dans la foule, les sujets de colère ne manquent pas.
Mais celui qui génère le plus de rancœurs reste Elon Musk, chargé par Donald Trump de tailler dans les dépenses étatiques à la tronçonneuse.
Face au pouvoir du milliardaire sud-africain, patron de Tesla et X, certains voient désormais Bernie Sanders, éternel partisan de la lutte des classes, comme un oracle dont les prophéties sont devenues réalité.
"Il avait raison depuis tout ce temps", soupire Vera Loh, 27 ans. "La collusion entre l'argent et la politique a des effets terribles."
Cette femme de ménage reste pantoise devant l'apathie de nombreux leaders démocrates depuis la défaite de Kamala Harris en novembre.
"Le parti en a trop fait sur les minorités", estime cette Américaine d'origine camerounaise. "Si les gens ne voient pas qu'il s'agit d'une lutte des classes, ils se perdent dans la politique identitaire."
"Nous voulons des salaires plus élevés, nous voulons un logement, nous voulons avoir les moyens de nous payer des choses", rappelle-t-elle.
- "Société autoritaire" -
"Nous vivons un moment où une poignée de milliardaires contrôle la vie économique et politique de notre pays", a insisté M. Sanders, en estimant que l'administration Trump "nous conduit rapidement vers une société autoritaire".
Avec sa tournée, le sénateur espère pousser de nouveaux candidats indépendants à se présenter aux élections sans l'étiquette démocrate, alors que la popularité du parti est au plus bas dans les sondages.
Dépourvu d'ambition présidentielle pour 2028, l'octogénaire apparaît systématiquement aux côtés d'Alexandria Ocasio-Cortez, étoile montante de la gauche progressiste.
"Peu importe votre race, votre religion, votre genre, votre identité ou votre statut, (...) j'espère que vous voyez que ce mouvement n'a rien à voir avec les étiquettes partisanes ou les tests de pureté, mais qu'il s'agit d'une solidarité de classe", a lancé l'élue de 35 ans samedi.
"Elle ferait une bonne candidate présidentielle. Bernie passe le flambeau, il fait ce que Biden n'a pas su faire", estime Lesley Henderson.
Déprimée par les infos depuis janvier, cette aide-soignante de 51 ans participait avec son mari au premier meeting de sa vie.
"J'espère juste qu'il n'est pas trop tard", confie l'ex-républicaine, inquiète des plaisanteries de M. Trump sur un potentiel troisième mandat. "Si personne ne se lève maintenant, qu'est-ce qui nous dit qu'il y aura des élections de mi-mandat, ou une nouvelle présidentielle ?"
F. Tavares--JDB