Au procès Weinstein, "Il avait tout le pouvoir, elles n'avaient rien", martèle la procureure
Le nouveau procès à New York de l'ancien producteur roi du cinéma Harvey Weinstein pour viol et agressions sexuelles est entré mercredi dans le vif du sujet avec les premières salves de l'accusation, qui veut rétablir sa condamnation annulée de manière retentissante l'année dernière.
Les débats ont commencé vers 11H15 locale (15H15 GMT), avec le propos introductif de l'accusation, qui sera suivi par celui de la défense, puis le défilé des témoins, dont deux accusatrices de l'ancien patron des studios Miramax, qui vont devoir raconter à nouveau leur histoire devant les jurés et la cour pénale de Manhattan.
"Il avait tout le pouvoir, elles n'avaient rien", a asséné d'entrée la procureure Shannon Lucey dans son propos liminaire, pour remettre le jury dans le contexte de l'époque, avec d'un côté un producteur tout-puissant et, de l'autre, des femmes sans appuis et ni relations.
"Quand il voulait quelque chose, il le prenait", a expliqué la procureure, qui a achevé son introduction peu après midi locale (16H00 GMT). "Il n'acceptait pas un refus."
Harvey Weinstein, dont la chute a entraîné en 2017 le début de la vague mondiale #MeToo, est rejugé pour l'agression sexuelle de l'ancienne assistante de production Mimi Haleyi, en 2006, et le viol de l'aspirante actrice Jessica Mann, en 2013. Il avait été reconnu coupable de ces faits en 2020 et condamné à 23 ans de prison.
Mais en avril 2024, la cour d'appel de New York a annulé toute la procédure, au motif que le tribunal avait laissé témoigner d'autres victimes présumées sur des faits pour lesquels l'ancien magnat du cinéma n'était pas inculpé.
Le procès porte aussi sur une nouvelle inculpation pour agression sexuelle en 2006 dans un hôtel de Manhattan, sur une victime présumée alors âgée de 16 ans.
Cinq jours ont été nécessaires pour constituer un jury de 12 jurés titulaires - sept femmes et cinq hommes - ainsi que six suppléants, après les défections et les récusations de dizaines de jurés potentiels, dont beaucoup se sont dits incapables de juger sereinement cette affaire, très médiatisée lors du premier procès en 2020.
- Hôpital -
L'annulation de la procédure en avril 2024 par la cour d'appel de New York a été vécue comme une gifle pour le mouvement de lutte contre les violences sexuelles et un retour en arrière pour la prise en compte de la parole des victimes.
"Toutes ces victimes ont vécu la honte, la douleur" après avoir été agressées par l'accusé, a lancé la procureure Lucey.
Harvey Weinstein, producteur d'innombrables succès du cinéma indépendant ("Sexe, mensonges et vidéo", "Pulp Fiction", "Shakespeare in Love"), reste détenu, car il a aussi été condamné en Californie à 16 ans de prison en 2023 dans un dossier distinct de viol et agressions sexuelles.
Diminué par de nombreux problèmes de santé, il comparaît en chaise roulante et a obtenu de pouvoir dormir à l'hôpital, et non dans la sinistre prison de Rikers Island, pendant le déroulé du procès. D'après le juge Curtis Farber, ce dernier est prévu pour durer jusqu'à fin mai.
Harvey Weinstein espère que l'affaire sera "regardée avec un œil neuf", plus de sept ans après les enquêtes du New York Times et du New Yorker à l'origine de sa chute et d'une onde de choc planétaire qui a libéré la parole de nombreuses victimes et contraint les sociétés à de profondes remises en question sur la place des femmes.
Décrit par ses accusatrices comme un prédateur qui jouait de sa stature d'homme tout-puissant du cinéma pour obtenir des faveurs sexuelles d'actrices ou d'assistantes, le plus souvent dans des chambres d'hôtel, il n'a jamais reconnu d'agression et a toujours assuré que les relations étaient consenties.
Depuis les premières révélations en 2017, Harvey Weinstein a été accusé par plus de 80 femmes de harcèlement, agression sexuelle ou viol, dont les actrices Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow ou Ashley Judd.
M.A. Pereira--JDB